lundi 30 juin 2014

26/06/14


Je me réveille de ces nuits hagarde, bouffie et épuisée. J'ai les yeux gonflés et tirés par les rigoles que les larmes ont dessiné au mascara sur mes joues. Parfois je retrouve des griffures sur mon visage, les poings serrés trop fort peuvent marquer, parfois la peau du pouce à côté de l'ongle est rouge d'avoir été grattée. J'ai en moi une violence insoupçonnée, une détresse peut être, qui s'exprime certains soirs dans des crises de pleurs à n'en plus finir, à s'endormir épuisée entre deux sanglots, à se réveiller en se demandant comme j'ai pu en arriver là. En arriver à croire que la seule chose à faire pour soulager cette peine immense est de hurler dans mon oreiller. 
Dans la lumière du matin je respire sans hoqueter et j'ai l'impression d'y voir plus clair, le brouillard gris qui m'étouffait se dissipe, le temps de vaciller et je repars, les yeux juste un peu plus rouges que la veille, le cœur un peu moins lourd d'avoir épanché sa rancœur, sa misère et son incertitude

mercredi 18 juin 2014

A tes amours tes boréales

L’idée que la mort pouvait survenir à n’importe quel instant s’est ancrée dans ma chair lorsque j’ai franchi la porte de cette chambre de soins palliatifs, celle juste à gauche après la salle de repos où on avait passé la nuit avec mes cousins. Depuis plusieurs années elle était là, tapie dans un recoin, tue par les montagnes de mauvaise foi que je m’efforçais de déployer pour tromper mon père qui avait peur, ma mère qui avait peur et mon frère qui refusait catégoriquement d’entendre le mot hôpital prononcé à table. Et puis me tromper moi, évidemment. Parce que ça n’était pas possible, pas imaginable concevable supportable de se dire qu’elle aurait pu mourir. Qu’une fois, peut-être, après l’une de ses chimio, elle aurait pu rester au fond du petit lit blanc à barreaux, enfoncée dans le matelas trop mou et noyée sous les couvertures siglées APHP. Je n’ai réalisé avoir accepté l’idée que ma mère aurait pu mourir d’un des deux cancers qu’elle a eu en deux ans, et qu’elle puisse encore en mourir aujourd’hui, que lorsque j’ai vu la mort sur le visage de son frère, dans cette chambre de soins palliatifs, celle juste à gauche après la salle de repos. Alors oui, c’était donc vrai, le cancer pouvait les emporter, même eux. La vie se permettait de les laisser perdre le combat. Le quotidien devrait pour de vrai exister sans eux.

C’est laid la mort, les dernière heures d’agonie, les visages déchirés de larmes. Ce sont des images qui restent toujours dans un coin de cœur, comme plantées avec un gros pic rouillé qui déchiquète un peu plus les tissus à chaque fois que je croise un patient qui a la même maladie que lui, ou une maman de cinquante-cinq ans qui meurt un soir de février en laissant derrière elle ses enfants. J’ai serré mes dents fort comme jamais quand le chef a annoncé à cette fille de vingt ans que son père, celui qui encore ce matin se disputait avec elle, était désormais médicalement complètement de manière certaine et définitive mort. Genre mille fois plus fort que lors des consultations d’annonce d’oncologie-pédiatrique. Parce que j’ai la trouille. Je pue la terreur.


(j'avais écrit ça en janvier, me promettant de ne jamais le montrer, et puis comme il s'avère que cinq mois sans cancer dans ma famille ça faisait un peu long pour la vie et qu'il est donc de nouveau d'actualité, j'ose)