vendredi 29 août 2014

Tu verras, t'en fais pas

Il y a mon livre ouvert devant moi, mon thé fumant pour réchauffer un peu mes doigts gelés, le soleil qui perce - très - timidement entre les nuages et qui éclaire sur mes joues les dernières traces de bronzage, et puis il y a ma tête, loin, de l'autre côté de la mer. Je refuse de m'accoutumer à ce retour. La Grèce, pan, coup de foudre inattendu, imprévisible, indispensable. Il y a les copines qui m'entourent fort et qui me serrent de près, joyeuse danse des soirs de semaine pour me faire oublier les soirées seule à venir et les pages de cours en retard qui s'accumulent. Leurs voix qui chantent trop fort des chansons ridicules, les textos échangés bien trop tard dans la nuit, beaucoup trop de bouteilles qui rendent les yeux plus brillants. Certains matins il y a ce qui me fera toujours sourire, même si, le paquet à pois dorés retiré à la poste contenant une guirlande d'étoiles et un livre qui parle de Grèce, d'amour et de feuilles de vigne. Et dans un coin il y a moi, un peu tremblante, plus trop sure de rien, les larmes jamais loin. Il faut croire qu'il ne faut jamais croire en rien, à part peut être en l'impermanence des choses, pour ne pas devoir chaque fois se relever un peu plus bousillée.


mardi 19 août 2014

άστερας

On y passe la journée les pieds dans l’eau et la nuit juste sous les étoiles. Partout, le ciel et la mer échangent leurs nuances de bleu au point de se confondre à l’horizon au milieu des autres îles grecques que l’on distingue quand le soleil se couche. On mange de la pastèque sur la terrasse qui surplombe le village, on boit du vin doux qui râpe un peu la langue, puis on se rend à la taverne et on commande une quantité irraisonnée de saganaki pour finalement se disputer les miettes. On roule bien trop vite dans les routes de montagne avec la musique si fort qu’elle fait vibrer les sièges de la vieille voiture de location et on s’arrête au milieu du chemin pour prendre une millième photo de la mer, la mer, la mer. On se fait offrir des poires tout juste cueillies dans leur jardin par les veilles personnes du village, on m’apprend quelques mots que je répète en boucle et - évidemment - ils se moquent de mon accent. Agapimou agapimou agapimou. On chante à tue-tête en inventant les paroles en grec, on rit sans pouvoir s'arrêter dans la mer - et on boit des litres d’eau salée -, on fait la course jusqu’à la bouée, et puis celle d’après, encore plus loin, toujours plus vite. Une fois je conduis la grosse jeep dans les chemins poussiéreux en poussant l’accélérateur jusqu’à faire crier mon père, et le vent qui fait battre mes cheveux sur mes joues me donne l’impression d’être profondément là, intensément vivante à cet instant précis. Mes poumons s’emplissent entièrement de l’air chaud qui a cette odeur si parfaite que je ne retrouve qu’en Corse et ici et que j’aimerais tant garder dans un bocal, comme ceux que j’emplissais de sable quand j’étais gamine, juste pour pouvoir ouvrir le couvercle quand décembre viendra et que j’aurai oublié comme c’est bon d’inspirer à chaque seconde la figue, le pin, l’iode et l’asphalte brûlé. Et comme on est sur l’île de toutes les folies et que mon ventre s’est dénoué et mes épaules dépliées depuis mon arrivée, à la tombée du jour le dernier soir je décide de ne pas perdre une seule seconde à dormir. Je retrouve Y. au milieu de la nuit et on roule jusqu’à un monastère qui surplombe la baie, on regarde les lumières qui clignotent sur la plage et on fait un concours d’étoiles filantes. Il me dit qu’il a déjà essayé plusieurs fois de compter les étoiles et je lui réponds qu’il devrait plutôt tenter sa chance à Paris, ici le ciel est impressionnant de pureté et même la lune semble s’être cachée pour ne pas nous gâcher le spectacle des milliards de millions d’étoiles. C’est moche étoile, je préfère asterias il explique avec son accent grec qui me fait tellement rire. Je profite des derniers grains de sables entre mes orteils, je sens encore un peu mes épaules brûler, et puis il faut m’arracher à la mer pour aller manger une dernière pita et of course des loukoumades avec mes cousins. Cette île qu’il nous a laissée en héritage me donne envie de vivre encore plus grand, sentir mon cœur battre toujours plus vite. Sur le toit de l’île, dans un tout petit monastère qui fait face à la Turquie je leur ai dit merci, à l’île, à lui. Et à l’année prochaine.






lundi 11 août 2014

Nos poin-t-s serrés

J’écris depuis cette terrasse entre ciel et mer, le balcon de l’île, si haut que l’on voit au-dessus du sommet des montagnes qui s’alignent face à la mer. A perte de vue il y a l’eau, immense bleu profond qui se confond dans la brume avec celui du ciel, laissant apparaître en ombre chinoises les cotes de la Turquie. On est venus ici tous les trois pour honorer une promesse, alors bras croisés et coudes serrés contre nos tailles, on monte la minuscule allée jusqu’à leur maison aux volets rouges accrochée au flanc de la montagne à l’autre bout du village. Il en fallait, du courage, pour revenir ici sans lui, et si parfois les larmes perlent dans l’obscurité de la voiture qui fonce la nuit le long des routes sinueuses, l’île semble faite pour absorber toute cette tristesse. On ne doit pas pouvoir rester prostré à pleurer quand ici le soleil réchauffe les peaux pâles dès les premières heures, le marchand de fruits chante sa rengaine à chaque rue et les gens que l’on croise nous offrent les oranges de leur jardin. L'air embaume l'eucalyptus, la figue, le sel et mes poumons semblent avoir retrouvé leur capacité toute entière, je sens mes alvéoles se délier. 
On  se découvre chacun des traits de celui qui nous manque et on rit des défauts partagés. C’est doux parfois de laisser les faux semblant sur le tarmac du minuscule aéroport et de pouvoir rire à gorge déployée et râler pour rien parce qu’on est entourés de gens inconditionnels.

C’est peut être ça la famille, alors.